Comment devenir une vraie parisienne en quelques leçons
Appartenir à la catégorie des vraies parisiennes ne s'impovise pas. C'est un apprentissage qui débute très jeune, qui nécessite un certain nombre de sacrifices, mais il est vrai que faire partie de cette caste que le monde entier nous envie est un privilège qui mérite qu'on se batte un minimum (enfin...je suppose qu'en fait, c'est davantage un truc qu'on a inventé pour se faire mousser, parce que les londoniennes ou les new-yokaises auraient sans doute des leçons à donner aux frenchies sur pas mal de point, à commencer peut-être par une certaine forme de...décontraction, pour rester polie). Après quelques semaines d'observations, je suis en mesure, en aventurière du quotidien, de vous donner les quelques trucs qui font la vraie parisienne. A moins qu'il ne s'agisse de comportements à éviter...Si on tient à garder son humour et son intégrité sociale !
1) Etre élégante en toutes circonstances : la parisienne, c'est connu du monde entier, est élégante. Elle ne commet jamais le moindre impair vestimentaire, et si elle en fait, c'est qu'en réalité, c'est vous qui avez un métro de retard sur les tendances du moment. C'est ce qui lui donne son air si subtilement glacial et impertubable, à moins que ce ne soit la courge qui lui pousse dans le derrière, bref, la parisienne est élégante. C'est d'ailleurs pour ça qu'elle est devenue un stéréotype si facilement caricaturable.
2) Tirer la tronche en toutes circonstances. C'est un fait avéré : la vraie parisienne ne sourit pas. Jamais. Elle ne dit pas bonjour dans les transports en commun, et d'ailleurs, elle sursaute quand un voyageur ose saluer le conducteur du bus. Quand le dit bus est bondé, elle vous marche sur les pieds sans s'excuser, et soupire (mais toujours élégamment, celà va sans dire, pas un souffle pachydermique de fille agacée, non) quand il lui faut descendre du bus pour laisser en sortir les gens. Et si vous n'avancez pas assez vite pour elle, la parisienne aboie un "Pardon", qui est tout sauf une excuse.
3) Ne pas fréquenter les lieux connus de la capitale. C'est connu, la vraie parisienne n'est pas dans ces endroits que tout le monde connaît. Non, c'est trop galvaudé pour elle. La vraie parisienne connaît les lieux du Paris interlope, ou aime à vous le faire croire. Et la parisienne aime s'encanailler dans des lieux exotiques, comme un rade un peu miteux où leurs tenues branchées-mais-à-la-cool (comprendre un jean de marque + un top de créateur + une paire de chaussures hors de prix, mais à l'allure discrète) ressortiront dans le décor. Et surtout, quand la parisienne parle de ce petit rade miteux, elle en parle comme d'un petit secret bien gardé. Pour un peu moins de six mois, en tout cas.
4) La parisienne fait régulièrement la queue. Car oui, même si elle connaît des endroits un peu secrets où elle aime à aller, la parisienne fréquente aussi des endroits branchouilles de la capitale. Et comme elle et plusieurs milliers de ses clones fréquentent aussi ces endroits, elle fait la queue. Non sans force soupirs et plaintes, mais la parisienne peut attendre pour faire l'ouverture du grand magasin Uniqlo, ou pour aller manger un brunch dans un endroit très à la mode. La parisienne n'est pas à une contradiction près, ça fait aussi partie de son charme.
5) Ne pas prendre le métro. La vraie parisienne ne prend pas le métro. Elle prend le bus, et plus tard, quand elle est vieille, elle conduit sa propre voiture, contribuant ainsi à créer ce délicieux smog au dessus de la capitale, qui colore certains jours les levers de soleil de teintes si...surnaturelles. Donc la parisienne prend le bus, mais fait aussi du vélo (depuis peu, la parisienne a une conscience écolo qui coïncide très bien avec son souci d'éliminer de la cellulite), et marche. C'est ça le secret de la ligne de sylphide de la parisienne.
6) Prévoir une paire de chaussures de rechange : conséquence inéluctable du trait de caractère précédent, la parisienne a une paire de ballerines dans son sac. Parce que même pour la Parisienne, marcher en stilettos n'est pas un exercice facile, surtout quand il s'agit de remonter la rue de Rivoli un samedi après-midi.
7) Ne jamais aller chez Castorama. Oui, les grandes surfaces de bricolage sont en général en dehors de Paris, et même si c'est moins cher, la Parisienne préfères aller acheter trois clous au BHV. Où elle en profite pour faire la dinde au rayon perceuse, haut-lieu de séduction pour trentenaires célibataires. Et avec le marteau, je vous mets un peu de drague au sous-sol d'un grand magasin ?
8) Parler d'un air pénétré de tout et de rien. Et surtout en traînant sur les voyelles. Ouiii, un peu comme çaaa, tu voa ?
Evidemment, ces petites leçons n'ont rien d'exhaustif. La Parisienne est un peu comme l'avenue des Champs-Elysées, prétendumment la plus belle du monde. C'est beau de loin, la nuit en hiver, avec tous les éclairages. Mais quand on est coincé dans les embouteillages, ou qu'on est contraint de slalomer sur le trottoir entre lres groupes de touristes américains et japonais, ça redevient une longue artère ecombrée et en pente, bordée d'enseignes clinquantes. Alors, oui, on pourra toujours objecter que sur les dix millions d'habitants que compte Paris, ces vraies parisiennes ne sont qu'une minorité. Et que beaucoup de filles qui vivent à Paris ne ressemblent pas à ça. Ou bien on dit ça pour se rassurer, parce que quand on est "montée à Paris", comme moi, après avoir craché pendant vingt ans sur les pétasses parisiennes, on a peur de le devenir, et qu'on se reconnaît (déjà !) avec horreur dans certains des caractères pré-cités. Mais après tout, si l'on est capable de se sentir dériver vers le stéréotype, et qu'on s'effraye de cet glissade cauchemardesque, c'est peut-être qu'on a toujours ce qui fera définitivement défaut aux "vraies parisiennes" : l'humour et le recul sur soi. Et tant qu'on a ça, on peut se considérer comme sauvée. Même si on a une paire de ballerines de secours au fond de son sac hors de prix.